Le roi des appareils photo compacts, le Yashica Electro 35, tente le comeback.
Appareil numérique ou appareil photo argentique ?
Actuellement, Yashica, mythique fabricant d’appareils photo nippon, fait à nouveau le buzz sur Kickstarter. Une première pour Yashica qui n’avait plus fait couler autant d’encre depuis le lancement de leur modèle mythique, le Yashica Electro 35, un appareil photo ancien sorti en 1966, qui avait fait le bonheur de bien des photographes amateurs et professionnels, se payant même le luxe de narguer le Leica de l’époque, le Leica M4. Depuis, Yashica a eu bien du mal à s’imposer dans la ligue des appareils reflex, et a finalement disparu en 2003. L’annonce du projet Yashica digiFilm 35, marque-t-elle le retour de l’enfant prodigue ?
2017 – Le point sur la technologie photo
Où en sommes-nous donc après plus de 120 ans de photographie ?
En dépit de toutes les nouveautés et innovations que l’on nous vante, il faut bien avouer, qu’un siècle de photographie se résume à 2 grandes innovations : La photo argentique, avec l’avènement majeur du format film 35mm, et la photo numérique.
Ces deux technologies pouvant se présenter sous la forme d’un boitier compact, d’un reflex numérique, d’un bridge, voir même d’un smartphone pour les moins refractaires.
Pour des raisons pratiques, de confort d’utilisation et de performances, la photo numérique a pris largement le pas sur la photo argentique traditionnelle. Les grands fabricants actuels, Canon, Nikon, Son, Olympus & co ont beau nous vanter presque tous les mois les mérites d’un nouveau modèle APN, il semble toutefois évident, que la technologie de base, elle, n’a pas vraiment évoluée.
De là à vouloir se lancer sur un marché déjà tellement saturé, à moins de présenter une réelle avancée technologique, ou un nouveau concept, les chances de se faire une place au soleil sont toutefois assez maigres.
C’est dans ce contexte que Yashica pointe à nouveau son petit bout de nez, en faisant vibrer une corde restée muette depuis trop longtemps : la note du diapason « Yashica 35« . Non plus Electro 35, ou Electro 35 GT, mais digiFilm Y35.
Présentation du Yashica digiFilm Y35
Le design de ce boitier n’est pas sans rappeler celui de 1966, le Yashica Electro 35 qui a été le premier appareil photo pour bien des passionnés, et on a presque l’impression de se trouver avec un boitier à mise au point télémétrique à la sauce moderne. On y retrouve même un levier d’avancement de film. ?!? Et les photos diffusées sur Kickstarter le représente avec ce qui semble être une bobine de film 35mm ?!? Le buzz est là. Le choc s’est faufilé dans l’esprit de chacun. Il ne reste plus qu’à comprendre de quoi il en retourne.
Alors, 3ème révolution ? 3ème nouvelle technologie ? Est-ce le chaînon manquant entre la photo numérique et la photo argentique ?
Eléments de réponse
Je me suis bien pris le temps de lire attentivement la revue de presse sur Kickstarter, et malheureusement le voile mystérieux très prometteur qui entourait ce nouveau produit de chez Yashica s’est dissipé, et le charme s’est rompu. Le Yashica digiFilm Y35 est ni plus ni moins qu’un Appareil Photo Numérique. Avec un objectif fixe (l’équivalent d’un 35mm en format 24 x 36) à ouverture f/2.8, mais doté d’un capteur numérique assez modeste (1/3.2-inch CMOS). Le dos de l’appareil s’ouvre tel un ancien appareil photo argentique, mais au lieu d’y glisser une pellicule photographique, vous y glissez 2 batteries AA pour l’alimentation, une carte SD pour stocker les images, et un digiFilm. La révolution se cacherait-elle derrière cet oxymore ?
Malheureusement non. Le digiFilm ne semble être qu’un pack de réglages sous forme de pellicule, à choisir entre un mode ISO200, ISO400 en noir & blanc, ISO1600 Highspeed, et un format carré. En peu comme on choisissait ces pellicules en ASA à l’époque.
En somme : Ce que l’ensemble des constructeurs permettent de régler directement sur les APN, la couleur, la sensibilité, etc, ne s’effectue sur le Yashica digiFilm Y35 qu’à l’aide de l’ajout d’un hardware, probablement une sorte de carte mémoire ROM à l’apparence d’une pellicule photo.
Par ailleurs, l’appareil, comme son aïeul, ne possède pas d’écran de contrôle LCD, ni de bouton pour effacer une photo, ce qui n’est pas fait pour me déplaire, en renouant ainsi avec l’esprit de la photo argentique.
Enfin, et c’est là le plus grand mystère : Le Yashica digiFilm Y35 dispose d’un levier d’avancement de film, de chargement d’obturateur…sans film évidemment. En somme, à la vue de la vidéo, il semblerait que l’on doive activer le levier avant chaque prise de vue.
L’avis de Photoexposition.fr
Je crois avoir mis du temps, mais je pense avoir compris ce que recherchent ceux qui se sont lancés dans ce projet sur Kickstarter. En fait, depuis le début de la rédaction de cet article, j’ai changé d’opinion.
Au début, je n’y voyais qu’un gadget, qu’un buzz de plus, mais au final, j’ai compris l’essence de cet appareil photo : L’absence de réglages, la nécessité de changer de digiFilm pour changer d’ISO ou de colorimétrie, le levier d’avancement qui n’avance rien, tout cela, a été fait pour nous ralentir. L’absence d’écran quant à elle, nous force à nous concentrer sur la composition en « réel ». Le Yashica digiFilm Y35 est une forme de kinésithérapie photographique pour photographes lobotomisés, névrosés simplement perdus dans les limbes des gadgets technologiques.
Oui, on pourrait théoriquement faire fi de tous les réglages sur n’importe quel reflex et passer en manuel total avec hyperfocale, sans avoir à acheter un Yashica digiFilm Y35. Mais qui le ferait… Sérieusement ? C’est comme se dire que l’on ne lira plus les sous-titres d’un film en VOST que l’on a vu maintes fois : On peut sans aucun s’en passer, et pourtant, on ne peut juste pas s’empêcher de lire.
Et ça, je crois que les créateurs du Yashica digiFilm Y35 l’ont bien compris. D’où un appareil photo compdes plus spartiates.
De plus, c’est la possibilité de revenir à l’Electro 35 sans avoir à passer par la case achat assez fastidieuse et onéreuse de films. Quant à la qualité photo, je suis persuadé qu’elle sera aussi satisfaisante que le boitier et l’optique de 1966. Car s’il y a bien une chose qui est sûre en matière photo en 2017, c’est qu’à l’heure actuelle, tous les APN sont bons. Tous. Même si la quantité et la qualité du matériel photo proposé actuellement ne cesse de croitre (appareil photo bluetooth, appareil photo tactile, appareil photo WiFi etc), en automatisant et en optimisant de plus en plus le processus de prise de photo, il faut tout de même admettre, que l’on ne devient pas un meilleur photographe. Loin de là. La photographie ne se limite pas à appuyer sur un bouton.
Ainsi : Retour aux sources, Back to Basics !
D’autres posts et articles sur le Net vous parleront de ce Yashica Y35 en termes de « Fake« , de « Flop« , ou de « Pretend Roll Films« . C’est ce que l’on pourrait penser à la première lecture, mais si on se donne vraiment la peine de regarder de plus près, il n’en est rien. Et franchement, à environ 120 euros, le prix d’une formation photo, c’est l’occasion de renouer avec les réflexes photographiques du passé, tels que les ont connus Henri Cartier-Bresson et Robert Capa. Photographier sans filet !